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Madame, Monsieur,
Cher Consoeur, Cher Confrère,
Chers ami(e)s,
Le monde de la Maladie Rénale Chronique (MRC) et en particulier de la dialyse est depuis quelques semaines l’objet d’assauts au travers de campagnes de presse qui conduisent à jeter le discrédit sur l’ensemble de la profession des néphrologues et sur les établissements de santé impliqués dans la prise en charge de la MRC. Celles-ci laissent entendre que des patients seraient indûment pris en charge par dialyse sans que cela ne soit nécessaire, ou encore de façon trop précoce pour augmenter l’activité et la file active de patients dans une perspective mercantiliste.
Si de telles dérives exceptionnelles ont pu avoir lieu, elles sont évidemment condamnables. Cependant, nous ne pouvons pas accepter la généralisation et l’amalgame qui en sont faits, en particulier par Mme Yvanie CAILLÉ, Présidente de RENALOO, au travers de l’article paru dans MEDIAPART du 18 juillet 2025 -signé de Mme Caroline COQ-CHODORGE- qui instille un raccourci perfide en rapportant le décès d’un patient victime de dialyse abusive dans un groupe hospitalier privé à Nancy, à la fin d’un paragraphe sur les « profits de la dialyse ».
Concernant les dits « profits de la dialyse », les chiffres auxquels se réfère l’autrice de l’article datent d’une étude de la CNAM faite entre 2018 et 2022, ayant produit un rapport « charges et produits » qui souligne que le « chiffre d’affaire » de la dialyse aurait « bondit de 20,9 % » tandis que le nombre de patients n’aurait augmenté que de 5 %. Faudrait-il aussi rappeler que « chiffre d’affaire » n’est pas « bénéfice », terme auquel, d’ailleurs, nous préférons celui de « résultat ». Quant-à la dite rentabilité de la dialyse, nous constatons au contraire que cette activité qui représente deux tiers de l’ensemble celle de notre Fondation, est aujourd’hui déficitaire si on exclu les subventions MIG-AC. Tout comme la Fondation AIDER Charles MION de Montpellier (également citée dans cet article) nous assurons des modalités de dialyse spécifiquement adaptées à chaque patient et souvent justes à l’équilibre quand elles ne sont pas déficitaires (personnalisation, dialyses longues nocturnes et unités de proximité). Rappelons que nos établissements à but non-lucratifs (ex-OQN) n’ont pas bénéficié des augmentations tarifaires qui ont été octroyées aux établissements publics (0,11 % vs 4,3%). Non, la dialyse n’est pas la « vache à lait » de nos établissements et l’effort d’adaptation, de personnification et de proximité des traitements qui notre spécificité, risque demain d’être mis à mal par les effets adverses que ces campagnes de dénigrement ne manqueront pas d’induire ! Nous avons partagé nos pratiques, nos conceptions et aussi nos inquiétudes lors de la visite de notre établissement par une délégation de la DGOS le 24 octobre 2024 et cela en toute transparence, en accordant une large place à l’expression des représentants de nos patients qui représentent aussi un quart des membres de notre Conseil d’Administration.
Le second point qu’il faut critiquer dans cet article, est l’opposition caricaturale qui est faite entre la dialyse et la transplantation où la dialyse serait un « enfer » et la greffe rénale un « paradis ». Les « méchants néphrologues » maintiendraient donc volontairement, pour s’enrichir, les patients en «enfer» plutôt que de les envoyer au « paradis » ! Non, cela n’est pas vrai et faut largement nuancer ce propos. Soulignons d’abord que les praticiens néphrologues au sein de nos établissements à but non lucratif sont salariés et n’ont aucune mesure incitative, morale ou financière, à maintenir les patients en dialyse plutôt qu’à les inscrire en greffe. En outre, ce sont aussi ces mêmes praticiens qui assurent le suivi en consultation des patients transplantés en coopération avec leurs collègues des centres de transplantation. Ce sont aussi ces praticiens salariés qui assurent l’organisation du bilan pré-transplantation et bien souvent avant même, quand cela est possible, le stade où la dialyse est nécessaire en vue de greffes préemptives, ou encore qui recherche les donneurs vivants potentiels dans l’entourage du patient. Notons, que sur le site même de RENALOO, un graphique montre que les trois CHU assurant l’essentiel des greffes rénales de notre territoire (Bretagne et Pays de Loire) ont les délais d’attente dans les plus courts (1,3-1,4 an).
Présenter la transplantation rénale dans les termes aussi « idylliques » est exagéré. Oui, quand une greffe se passe bien, la qualité de vie est meilleure. Mais il ne faut pas oublier que les premiers mois de greffes imposent aussi beaucoup de contraintes en matière de déplacement en particulier. Sans doute, sont-ils moins contraignant en région parisienne qu’ils peuvent l’être en province ! Toutes les transplantations ne passent pas bien non plus, même s’il est vrai que la durée de vie des transplants s’est considérablement améliorée. Les traitements nécessaires ont aussi des effets secondaires qui ne sont pas à négliger (sensibilité aux infections virales et bactériennes, risque oncogène, HTA, hirsutisme…).
Rappelons également que tous les patients ne sont pas éligibles à une transplantation. À ceux-là, nos néphrologues proposent au sein de nos établissements une prise en charge visant à leur octroyer la méthode de dialyse la plus adaptée, soit à leur domicile, soit dans nos unités de proximité (autodialyses et unités médicalisées de dialyse), soit en dialyse péritonéale soit en hémodialyse. La dialyse longue nocturne effectuée dans des chambres personnalisées offre une excellente tolérance et une indéniable amélioration de la qualité de l’épuration au point de permettre même à certains patients une activité sportive de haut niveau, sans parler de la possibilité de garder une activité professionnelle. Cette méthode entraîne un surcoût qui n’est pas actuellement pris en charge dans le forfait dialyse et pourtant nous en faisons une vraie promotion.
Opposer dialyse et transplantation n’est pas une vision juste pour faire évoluer l’avenir de la prise en charge de la maladie rénale chronique pour le bien des patients et dans son ensemble. Les progrès et les améliorations doivent porter sur les deux moyens de traitements qui sont complémentaires et souvent appelés à se succéder au fil de la vie du patient. Les freins à la progression de la transplantation doivent continuer à être levés : campagnes d’information sur le don d’organe (donneur vivant ou décédé) pour faire évoluer les idées sur ce sujet dans la population, application réelle de la loi sur le prélèvement d’organes, disponibilité des blocs opératoires et des équipes de prélèvement. Sur le versant dialyse maintenir et favoriser la multiplicité des modalités de prise en charge pour pouvoir offrir au patient celle qui lui correspond le mieux en accord avec ses souhaits de vie et l’adéquation médicale plutôt que de céder à la facilité de structures de dialyse mono-morphes, « concentrationnaires » et éloignées des domiciles n’offrant aucun choix en matière de méthode ou d’horaire aux patients. On peut aussi s’interroger sur l’appauvrissement de l’offre en matériels et consommables de dialyse conduisant dans certains domaines à des situations de quasi monopole industriel avec les conséquences sur les coûts par défaut de concurrence, mais aussi sur l’impact environnemental des transports transcontinentaux de ces matériels.
Outre cet article, nos confrères de la Fondation AIDER Charles MION ont fait l’objet d’un audit de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) qui s’est étalé sur plusieurs mois. Le rapport de cet audit pointe un taux de recours à la dialyse « atypique » qui serait anormalement élevé dans les départements où la Fondation travaille comparativement à la moyenne nationale ou à d’autres régions et responsable d’un surcoût pour l’Assurance Maladie de 60M€. À peine ce rapport était-il publié que le journal MIDI LIBRE en faisait une page le vendredi 27 juin. Nous nous interrogeons sur les compétences de la CRC en matière d’épidémiologie : on pourrait tout simplement déjà s’interroger sur l’impact du délai d’attente de transplantation qui semble plus élevé en Languedoc-Roussillon sur le taux d’incidence des patients traités par dialyse, ou encore sur la moyenne d’âge des patients de cette région… Bref, tout ceci demande des approfondissements qu’il aurait été préférable de mener avant ces effets d’annonce dans un journal grand public avec les conséquences de saper la confiance des patients actuels ou potentiels.
Pour finir ce plaidoyer en forme de « profession de foi », nous défendons avec nos praticiens et nos soignants, un modèle de prise en charge de la MRC qui se veut global, du dépistage et du diagnostic, jusqu’à la prise en charge supplétive, que ce soit par dialyse ou par transplantation, en passant bien sur par la mise en oeuvre des mesures de freination de la progression de la maladie pour éviter ou retarder cette suppléance grâce aux traitements qui le permettent.
Malgré les surcoûts que les techniques spécifiques, comme la dialyse longue nocturne, occasionnent, nous persistons à en faire la promotion, convaincus de l’amélioration de la qualité de vie et de l’état clinique qu’ils apportent au patient. Nous maintiendrons aussi longtemps que possible nos unités de proximité pour limiter les transports longs, fatigants et coûteux de nos patients. Nous relançons avec nos équipes médicale et soignantes une politique d’orientation vers les soins à domicile. Nous proposons aussi aux patients les plus fragiles, les plus âgés, pour lesquels par impossibilité ou par leur choix la dialyse ou la greffe sont réfutées, la poursuite des traitements dits conservateurs ou palliatifs accompagnés d’un suivi médical, infirmier, diététique et psychologique régulier.
Nous réaffirmons avec force et vigueur que notre établissement n’a jamais, et n’incitera jamais ses équipes médicales à entreprendre des traitements qui ne seraient pas justifiés au vu de l’état clinique des patients ou encore de limiter l’accès à la transplantation pour « faire du chiffre ». Nous avons déjà acté le constat du fléchissement de l’activité de dialyse comme conséquence des efforts de dépistage, de prévention et de traitement de la MRC auxquels nos équipes médicales ont largement participé au sein de nos Centres de Santé.
La Fondation AUB Santé est solidaire de nos collègues des fondations et associations à but non lucratifs, en particulier la Fondation AIDER Charles MION, pour défendre et promouvoir le modèle de prise en charge de la MRC ainsi exposé.
Nous attendons des associations de patients plus de soutien, et en particulier de RENALOO, plus de discernement dans sa communication, car la généralisation de cas particuliers à l’ensemble des établissements assurant la prise en charge de la MRC, risque d’être in fine délétère pour ses propres adhérents. Il serait bien plus constructif d’oeuvrer de concert pour faire admettre la nécessité d’un « Plan MRC », à l’instar du Plan Cancer, que nous appelons de nos voeux.
Dr Didier LEGRAND.
Président de la Fondation AUB-Santé.
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