Diététicien - Nutrionniste
"Nous ne donnons pas des menus-clés mais nous adaptons les habitudes des patients"
Aider les patients souffrant d’insuffisance rénale à limiter l’évolution de leur maladie grâce à une bonne hygiène alimentaire, tel est le credo de Stanislas Trolonge. Diététicien-nutritionniste à la maison du rein de l’Aurad, à Gradignan, Stanislas, 39 ans, a rejoint en 2005 l’Aurad Aquitaine, association à but non lucratif, membre de ReinOmed.
« Les diététiciens-nutritionnistes, dont la présence est relativement récente dans les centres de dialyse, font partie des équipes médicales avec les pharmaciens, infirmières, psychologues, coach d’activité physique adaptée, et nous sommes régulièrement sollicités par les médecins », explique-t-il.
Avant de prodiguer ses conseils, le diététicien évalue l’état nutritionnel des patients insuffisants rénaux dialysés ou non. Il le fait à l’aide de régulières prises de sang, de la mesure et surveillance du poids, masse musculaire et masse grasse. Il quantifie leurs apports alimentaires (énergie, protéines, graisses, sucres, minéraux et vitamines) et dépiste d’éventuelle dénutritions des patients âgés qui ont parfois des pathologies associées. « L’approche diététique a pour objectif de réduire la progression de la maladie rénale en soulageant le travail des reins, en diminuant les excès de sel et de protéines, résume Stanislas Trolonge. Lorsqu’ils sont dialysés, les patients finissent par ne plus uriner et ils vont stocker dans le sang certains minéraux qui peuvent être en excès (phosphore, potassium). Nous formulons des recommandations alimentaires pour limiter ces excès. Le traitement de dialyse coûte de l’énergie et les risques de dénutrition sont très importants, cela leur demande de prendre plus de protéines mais sans excès, c’est une science de bien s’alimenter. »
Les diététiciens recommandent ainsi aux patients de réduire leur consommation de sel dans les aliments transformés industriels ou dans les plats de tous les jours, souvent de diminuer la viande et la volaille, riches en protéines, d’augmenter les végétaux, de diminuer le sel mais augmenter les minéraux alcalins et d’utiliser des graisses de qualité (huiles). « Nous conseillons l’alimentation la plus naturelle possible », indique Stanislas Trolonge.
Le conseil nutritionnel doit être réalisé avec tact. « Si c’est mal fait, c’est vécu comme une contrainte supplémentaire. Quand on a une bonne approche d’écoute et que l’on propose des solutions, cet échange est mieux accepté ! Nous faisons évoluer le métier vers une approche de diététique positive et non pas restrictive. Il faut casser le stéréotype selon lequel les diététiciens sont là pour faire maigrir les gens. »
Le diététicien s’emploie donc à être didactique, s’appuyant sur les publications scientifiques. Au stade de la maladie rénale, l’urgence d’une bonne alimentation avec moins de protéines et de sel repose sur des données solides qui montrent qu’on peut retarder l’entrée en dialyse. « Lors d’un entretien motivationnel, nous ne donnons pas des menus-clés mais nous adaptons les habitudes des patients, pour les impliquer. »
L’Aurad a une file active de 400 patients suivis pour insuffisance rénale et 400 dialysés, soit environ 800 patients en tout. « Dès qu’un patient est pris en charge, il est vu au moins une fois. Nous essayons de mettre en place au moins un suivi bi-annuel. Pour l’insuffisance rénale chronique avancée, on les voit tous les 3 à 6 mois, pour les dialysés, tous les 3 mois », détaille Stanislas Trolonge, qui gère la coordination des diététiciens qui interviennent à l’Aurad, salariés comme libéraux. Le diététicien-nutritionniste est très satisfait d’exercer au sein d’une structure à but non-lucratif : « L’Aurad m’offre un espace de liberté certain dans la prise d’initiative, la mise en place de projets à destination des patients, affirme Stanislas Trolonge. Cette structure à échelle humaine permet une collaboration facilitée, efficiente avec le reste de l’équipe médicale. Enfin, la mise à disposition d’outils de diagnostic et d’évaluation nous permet d’être à la pointe du soin diététique. »
Les patients semblent de plus en plus ouverts à l’idée de soigner leur alimentation. « La vague vegan nous rend service et facilite la réduction de la consommation de viande. » Engagé à l’Aurad, Stanislas Trolonge l’est aussi au sein de l’Association de diététique et de nutrition en néphrologie (ADNN) qu’il préside et qui vise à favoriser l’implantation des diététiciens dans les structures avec des temps de présence suffisants.
A l’heure où les naturopathes et autres pseudos spécialistes en nutrition tentent de gagner du terrain, Stanislas Trolonge rappelle que « les diététiciens sont les seuls habilités à donner des conseils en diététique et nutrition ».