Responsable qualité & Représentant des usagers

Emmanuelle Quillien, Responsable qualité et Gilles Lucas, Représentant des usagers, AUB Santé

"Nous avons créé une formation pour sensibiliser les soignants aux droits des patients"

AUB SANTE - Rennes

Ils se côtoient depuis 13 ans et ont appris à s’apprécier. Emmanuelle Quillien, juriste en droit de la santé, et Gilles Lucas, représentant des usagers depuis 2006, travaillent ensemble à la commission des usagers de l’AUB Santé, établissement de santé à but non lucratif membre de ReinOmed qui vient notamment en aide aux patients insuffisants rénaux chroniques en Bretagne et Sud Manche. Ils ont lancé ensemble il y a quelques mois une formation pour sensibiliser les professionnels de l’AUB Santé qui le souhaitent aux droits des usagers. « Notre motivation première était la méconnaissance mais aussi le décalage entre le droit du patient et la pratique réelle, explique Emmanuelle Quillien. Nous avons souhaité, avec cette formation qui s’appuie sur des exemples concrets faire prendre conscience aux soignants de certaines réalités. »

Rien de tel, donc de concilier la théorie à la pratique et d’allier l’expertise d’une juriste, qui s’appuie sur les textes de loi et le vécu de l’établissement, à l’expérience d’un patient averti. « Nous savons que les professionnels de santé travaillent avec l’intention de bien faire mais il peut leur arriver d’être indélicats sans s’en rendre compte, analyse Gilles Lucas. Le fait de rentrer dans une chambre sans frapper ou de frapper et d’entrer sans attendre, est un cas de figure banal. Or des patients n’ont pas forcément envie d’être vus nus, par exemple. Il est important de réfléchir sur ses propres pratiques. Y a-t-il des choses que j’ai faites et qui auraient pu me heurter si j’avais été à la place du patient ? »

La formation permet d’aborder plusieurs thèmes essentiels des droits des patients comme le consentement et le refus de soins, le droit à l’accès aux soins et les directives anticipées ; le droit d’accès à son dossier médical, le droit à l’information, le droit de choisir son établissement, le droit à un recours contre un établissement, le droit à la prise en charge de la douleur, au respect de son intimité et à la confidentialité des données. « Il n’y a pas eu un événement particulier à l’origine de cette démarche, affirme Emmanuelle Quillien. Mais nous avons ressenti le besoin de former les soignants sur ces thématiques pour rendre concret le droit des patients. »

« Un partage d’expérience sans filtre », précise Gilles Lucas, selon qui « il faut pouvoir parler même des sujets qui fâchent ». « Sur chaque thème, on relate le vécu du patient puis la plainte, les événements indésirables et les outils en place pour les professionnels pour y répondre », indique Emmanuelle Quillien.

L’échange se veut constructif, nullement moralisateur. « L’idée n’est pas de culpabiliser les professionnels mais de les aider à réfléchir à leurs pratiques », souligne Gilles Lucas. Cette formation, qui dure 6h à 6h30, en journée, sera organisée à nouveau à deux occasions au 2e semestre de 2022 : le 14 octobre à Morlaix et le 1er décembre à Rennes. « Pour beaucoup de soignants, ce moment sera la seule fois de l’année où ils pourront échanger aussi librement avec un représentant des usagers sans être dans le soin », affirme Gilles Lucas.

Au-delà des thèmes abordés, la formation permet aux professionnels et aux patients de l’AUB Santé de connaître l’existence des représentants des usagers dans l‘établissement. « Il est souvent difficile pour les patients de faire passer des messages. Ils savent qu’ils peuvent faire appel à moi, qui suis représentant des usagers mais pas patient à l’AUB Santé pour les accompagner si nécessaire », ajoute Gilles Lucas.

Si les difficultés relationnelles restent rares, une commission des usagers de l’AUB Santé se réunit lorsqu’un patient n’est pas satisfait ou quand un professionnel est mécontent du comportement d’un usager. Gilles Lucas est parfois amené à mener des conciliations. « Il est déjà arrivé deux ou trois reprises par le passé qu’un patient ait un comportement inapproprié avec un soignant, qu’il y ait une rupture de dialogue, détaille-t-il. Il est alors important que le patient puisse s’adresser à un autre usager, sans question d’autorité ou rapport de subordination. » Ce recours à un tiers permet de trouver des solutions.